REGARDS SUR L'OEUVRE



La prophétie des Gises

 

Dire les Gises, les éclairer, expliciter leur fondement et leur genèse est une entreprise ardue. Non qu'elles soient hermétiques. Au contraire, elles sont immédiates, imparables. Personne n'échappera à leur flagrante densité, à la tension qui charpente chacune des pièces et noue leur interaction. De toute évidence, cette installation nous confronte à la violence du monde, au danger de son extinction. Et ces masses compactes aux contours acérés appellent une identification: urnes funéraires? Pièces d'artillerie? Pointes ou pieux plantés dans leur cible? Récipients de stockage de produits toxiques ? Fragments de machineries éteintes ? Énigmatiques totems? Mystérieux débris d'architectures? Tous résidus d'une civilisation éteinte fossilisés dans la cendre. Quelle catastrophe, quel assaut final, quelle obstination destructrice a bien pu disloquer un si puissant appareil? Un avertissement, dit Cardoen. Un signal, une mise en garde.

 

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Onde de choc

Il Y a des œuvres ambitieuses qui concentrent en elles-mêmes une charge explosive répondant à la violence du monde. Livrées à nos batailles, elles se posent en miroir réfléchissant nos facettes de tous les possibles. « Les gises » de Philippe Cardoen agissent comme telles, froides et imparables, elles brutalisent, blessent, questionnent au-delà de toute maîtrise.


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Retours de magie : pour Philippe Cardoen.

Je dois confesser que je n'ai jamais accepté sans méfiance l'invitation à écrire sur des œuvres plastiques qui fondamentalement se taisent et n'appellent peut-être qu'un assentiment silencieux. Je me suis par conséquent fixé deux règles de conduite impératives : la première, c'est de ne pas écrire des textes trop longs ; la seconde, c'est dans la mesure du possible de parler d'autre chose que des œuvres en tant que telles. Il y a bien sûr une troisième règle cachée, qui est au fond la justification des deux autres, leur convergence rêvée ou leur pointe d'orgueil. Telle est l'ambivalence de l'impresario: il parle sans trêve, s'agite en tous sens, mais ce qui l'anime de la sorte, c'est au bout du compte l'heure de règne silencieuse du mime sur scène. Je me souviens d'une exposition de Philippe intitulée « Gises ». Des structures massives, travaillées par une géométrie d'alphabet, se succédaient comme un poème de Sumer qu'on imagine posé autrefois sur le sommet d'une colline et louangeant les forces du ciel. On longeait ces blocs comme les éléments d'une prière mystérieusement réchappée de l'oubli où auraient sombré les hommes qui l'inventèrent ainsi que ceux qu'elle aurait eu pour office d'ébranler et d'apitoyer, ces absents privilégiés qui n'ont jamais tort - les dieux. Toute l'œuvre de Philippe, c'est du moins mon impression, se présente comme le chantier d'excavation d'une couche profonde, intégralement mitée, et qui cependant nous tourne une face prodigieusement fraîche, comme la mousse végétale qui croît sur les tombes. Une prière, pour peu qu'elle n'ait jamais été exaucée, c'est à dire pour peu qu'elle soit véritablement prière, est en ce sens ce qu'on peut imaginer de moins altéré au monde. Tout ce qui existe, dans le règne du vivant comme dans l'univers des choses, survient d'emblée sur une pente glissante qu'il lui faudra dévaler à son rythme. Certaines créatures voient le jour avec des patins aux pieds et disparaissent à une allure de comète dont on n'aura vu cingler dans l'espace que l'appendice de phosphore. D'autres au contraire sont munies de crampons ou enfoncent dents et griffes dans le sol meuble, mais même ainsi, il leur faut à la fin rejoindre leurs consoeurs plus lisses ou qui simplement se laissèrent griser par la vitesse de la chute et y consentirent en quelque sorte le velours aux pattes.


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